- NaëlMembre
- Nombre de messages : 558
Age : 28
Localisation : n.f. : repérage, dans l'espace ou dans le temps.
Distinction : aucune
Date d'inscription : 07/02/2010
Nouvelles
Dim 22 Mai 2011 - 1:06
J'en ai six, pour l'instant, dont cinq ici.
Ne réutilisez pas mes textes, s'il vous plaît ( bah quoi, on sait jamais ! ), et donnez-moi par contre vos avis ^^
Ne réutilisez pas mes textes, s'il vous plaît ( bah quoi, on sait jamais ! ), et donnez-moi par contre vos avis ^^
Conte d'Halloween
(qui a participé à un concours d'écrits, et est donc quelque part ailleurs sur le forum) :
(qui a participé à un concours d'écrits, et est donc quelque part ailleurs sur le forum) :
- Spoiler:
- Conte d'Halloween.
Nous étions six, debout, le même air fier sur le visage.
La fierté et l'espoir du village.
Il y avait Jörge, le meilleur chasseur que je connaisse, Bihl, mon ami de toujours, Frensoit, réputé pour sa vue perçante, Pyair, un autre chasseur, doué pour suivre les pistes, Juli'ain, sûrement l'homme le plus fort qui existe, et moi, complétant le duo d'envoleurs que nous formions avec Bihl.
Le chef du village nous regarda en silence quelques instants, puis prit la parole d'une voix usée par les âges.
-Demain, vous partirez du village comme des héros, et quand vous reviendrez, vous serez des légendes... Il nous détailla un par un, comme pour peser notre courage, puis reprit.
-Avant le ciel était bleu, de l'herbe poussait sur le sol, on trouvait de l'eau un peu partout, et surtout, les hommes étaient heureux, récita-t-il d'une voix mélancolique.
Je reconnus ces paroles. Elles étaient tirées de l'Histoire de l'Avant-Guerre, dernier écrit existant.
-J'étais enfant quand la Troisième Grande Guerre a éclaté, et je peux vous assurer qu'il en était ainsi. Vous savez que tout à changé quand l'Arme a été utilisée.
Bien sûr que nous savions. Le Cataclysme, qui avait obscurcit à jamais le ciel, asséché le sol et fait apparaître les monstres.
-Voilà trente ans que le Cataclysme à marqué notre monde, enchaîna le chef en écho à mes pensées. Trente ans que nous nous terrons dans ce village qui n'en est pas un, sans essayer de voir si d'autres sont dans le même cas que nous. C'est pourquoi, demain aura lieu la première expédition pour gagner le village le plus proche. Ce village et le notre entretenaient d'excellentes relations commerciales. C'est au nom de ce souvenir que nous nous unirons à nouveau, afin que nos deux villages n'en fassent qu'un pour mieux lutter !
Je vis au visage de mes compagnons qu'il nous avait convaincu.
-Vous marcherez six jours droit devant, vers le soleil le matin, dos à lui le soir. Six jours au travers des plaines, avec la soif, la faim et les monstres à vos trousses. Je vous conseille vivement de les semer... Bien. Quels sont ceux qui souhaitent finalement ne pas partir ?
Pas un de nous ne broncha.
-Reposez-vous. Vous n'en aurez peut-être pas l'occasion tous les soirs.
Nous sortîmes de sa tente, le cœur gonflé de courage.
Je jetai un coup d'œil sur cet ensemble gris et brun verdâtre de tentes que nous nommions village.
Il n'y avait rien à regretter.
Nous partîmes le lendemain sous les acclamations des habitants, avec nos couteaux pour seuls armes, une gourde d'eau chacun et un jerrycan à moitié plein pour lutter contre la soif, et avec pour toute nourriture, un assortiment d'aliments emballés datant de l'Avant-Guerre.
J'espérais vivement que l'autre village avait trouvé une source de nourriture.
Le chef commença son discours tandis que nous ajustions nos besaces sur nos épaules.
-En ce jour du 24 octobre 2395, un groupe de six hommes, menés par Jörge, notre meilleur chasseur, part pour notre salut. Ces héros, sur qui repose la survie de notre village, braveront tous les dangers pour gagner un autre village, au-delà des plaines et nous en rapporter l'espoir dont nous manquons !
Les vivats des villageois nous portèrent tandis que nous nous mettions en route.
La marche au travers la plaine se révéla extraordinairement ennuyeuse, au milieu des arbres morts et des rochers, nos yeux las de scruter en vain au travers de cette perpétuelle brume blanche.
Quand la nuit tomba, Juli'ain alluma un feu pour éloigner les bêtes.
Nous nous allongeâmes, roulés en boule, la tête sur nos sacs, tandis que Juli'ain, assis sur une grosse pierre, un peu à l'écart, montait la garde.
Je m'autorisai une gorgée d'eau, maudissant son goût acide, puis fermai les yeux et m'endormis immédiatement, fatigué par la longue journée de marche.
Je fus réveillé par Jörge qui me secouait l'épaule. J'ouvris les yeux, me levai et me figeai d'horreur devant ce que me désignait le chef de l'expédition : le corps du veilleur.
Son corps était lacéré de toutes part, et son ventre ouvert répandait ses entrailles sur le sol. Une grimace d'effroi et de stupeur déformait son visage.
Je réprimai à grand peine mon envie de vomir.
La mort n'a pas une odeur. Elle en a mille, et celle de la chair en décomposition est la pire.
Tandis que Bihl invectivait cette plaine qui venait de nous prendre un compagnon, nous dressions un bûcher rudimentaire, et après l'avoir dépouillé, à l'exception de ses habits, nous y fîmes brûler Juli'ain.
Je savais que le plus dur était pour Jörge, qui, en tant que chef, devait se sentir responsable de nous tous.
Pyair estimait que la mort de notre camarade était l'œuvre funeste d'un Grognard, un de ces molosses qui arpentaient les plaines. Nous étions visiblement sur son terrain de chasse.
Le début de la journée fut calme, et le vent qui nous gelait jusqu'au os retomba le midi, alors que nous entamions notre repas.
Nous découvrîmes que le triste contenu des sachets ne faisait guère exception à d'habitude : les vers ( dans le meilleur des cas ) étaient là pour remplacer la bouillie infecte qu'ils avaient dévoré.
Alors que le soleil déclinait et que nos ombres s'allongeaient, on entendit l'aboiement rauque d'un Grognard.
Jörge déclara que le monstre n'était pas loin, et à notre grand désespoir, Frensoit confirma en annonçant qu'il apercevait déjà un point à l'horizon.
Nous choisîmes un arbre, et nous nous efforçâmes d'y grimper.
Bihl et moi aidions rapidement les trois autres à monter, alors que le Grognard devenait visible par tous.
L'énorme bête déboula, la bave au lèvres, soulevant un nuage de poussière.
Je vis Jörge empoigner son couteau et se préparer à l'attaque. Lorsque la bête parvint sous l'arbre, énorme molosse au poil jaunâtre, aux griffes et aux canines tranchantes, il lui tomba littéralement dessus, pointe de l'arme dirigée vers le sommet du crâne du monstre.
Le sang gicla, noir et poisseux, et le hurlement de douleur de la bête nous emplit les oreilles.
Les deux combattants roulèrent au sol, tandis que nous n'osions intervenir, de peur de frapper, notre meneur, tant son corps semblait indissociable de celui du Grognard.
J'aperçus enfin le couteau s'enfoncer jusqu'au manche dans la gorge du molosse, et Jörge s'éloigner en titubant du corps.
Le Grognard tressauta encore quelques instants avant de s'abandonner au bras de la mort.
Nous bondîmes au bas de l'arbre mort, peu fâchés de quitter cet asile inconfortable, et nous précipitâmes, les uns vers la bête, les autres vers notre valeureux chef.
Je vis le premier la blessure qu'il tentait de nous masquer : une plaie béante barrait son torse, sans doute le fruit d'un coup de griffe du Grognard.
J'eus, je l'avoue, un haut de cœur en voyant les bords sanguinolent de la plaie, cette chair mise à vif, déchiquetée pour le bon vouloir du destin.
Je crois que Pyair réagit le plus rapidement, alors que nous restions là, inquiets mais trop abasourdis pour réagir, trop choqués pour bouger.
-Matyeu ! me hurla le chasseur. Donne-moi un bandage !
Il me fallut trois secondes avant réagir. Trois secondes de trop, durant lesquelles notre meneur se vidait de son sang. J'ouvris enfin ma sacoche et en extirpa la bande de tissu moisie qu'il avait nommée bandage. Je la lui lançai, il l'attrapa d'un geste agile et se mit immédiatement à l'œuvre.
Nous sacrifiâmes tous une demi gourde d'eau pour nettoyer la blessure, mais Frensoit refusa cet effort.
-Vous savez très bien que ça ne sert à rien ! nous cracha-t-il au visage. Il va crever ! Personne n'a survécu à une blessure d'un Grognard ! Et surtout pas en plein milieu des plaines !
-Il y a toujours une première fois ! répliqua Pyair. Et il vient de tuer un Grognard ! Il est là aussi le premier !
Je savais que la mort de Juli'ain l'avait profondément marquée, et malgré le fait qu'ils avaient de même âge, il considérait Jörge comme un père, un modèle, tant en raison de ses capacités que de son caractère volontaire et courageux.
Je vis ses jointures blanchirent tandis qu'il serrait les poings au gré des mots de Frensoit.
-Vous ne comprenez rien ! vociférait-il. Il est comme mort ! Il ne survivra pas !
Je ne parvins pas à retenir Pyair à temps. Son coup cassa presque le nez de Frensoit.
Bihl avait eu le moyen de s'interposer, mais il n'en fit rien. Il ne supportait pas le défaitisme, et ne pardonnait pas la réaction de Frensoit. Pour ma part, à ce moment là, j'étais trop assommé par les événements pour m'interposer efficacement, et je pense que, sans vouloir l'admettre, je considérais Jörge comme le symbole de cette expédition, un emblème que je refusais de voir voler aux éclats.
Quand Bihl sépara enfin les deux combattants, Frensoit avait le nez en sang, en plus de quelques autres traces de coup, et son regard transmettait clairement la haine qu'il nous portait, tandis que Pyair avait la lèvre inférieur fendue et jetait des regards noirs à l'homme qui avait osé faire preuve de lâcheté.
-Vous n'êtes qu'une bande de crétins trop optimistes ! hurla Frensoit. Une bande d'imbéciles aveugles ! Cette expédition a perdu tout son sens dès la mort de Juli'ain !
Il haleta quelques temps, l'air prêt à se ruer sur nous, puis, subitement, parut se relâcher et se fatiguer.
-Je m'en vais, poursuivit-il d'un ton las. Je rentre. Je ne compte pas mourir pour une stupidité pareille. Nous sommes le 25 octobre, c'est le deuxième jour d'expédition et nous ne sommes plus que cinq, et très prochainement, quatre.
Je frémis sous le poids de ses paroles. J'avais perçu l'accent de vérité dans sa voix.
Il croyait en ce qu'il disait.
Et j'étais en train de me laisser convaincre.
La vérité s'imposa à mon esprit : nous allions mourir.
Comme s'ils avaient deviné mes pensées, Bihl posa sa main sur mon épaule, et Pyair se rangea à mes côtés.
Chaleur.
Chaleur humaine.
Celle qu'un ami transmet.
Je clignai brusquement des yeux, concentrant tout mon esprit sur cette main sur mon épaule, et la magie opéra, chassant mes pensées morbides.
Unis, nous survivrions.
Frensoit nous regarda longuement, les mâchoires crispées.
-Je vais sûrement mourir en tentant de retourner au village, poursuivit-il d'une voix calme. Mais en voulant sauver ma peau, pas en essayant de réaliser les rêves d'un vieux gâteux.
Sur ces mots, il tourna les talons, son sac sur l'épaule.
Je me penchais, un peu lâchement, sur Jörge, et constatai avec effroi qu'il délirait, pris de fièvre, alors que sa blessure n'avait de cesse de saigner. J'ignorais, et Bihl aussi, visiblement, que faire.
Désormais, avec du recul, je sais que Pyair avait bien réagi, et qu'il ne l'avait pas fait à la légère, mais sur le coup, je restai horrifié.
Il s'approcha de notre chef et lui murmura quelques mots à l'oreille – que par la suite, il refusa de me répéter – puis souleva la tête du meneur et la posa sur ses propres genoux.
À ce moment là, Jörge était livide, les lèvres bleutées et le visage baigné de sueur.
Quant à moi, j'étais sûr que Pyair allait pouvoir faire quelque chose, accomplir un miracle pour sauver notre chef.
Le chasseur posa ses mains sur le cou de Jörge, délicatement, comme par peur de le blesser.
Je reconnus, avant même qu'il l'exécute, l'une des trois prises mortelles que nous nous devions tous de connaître.
Jörge mourut ainsi, un sourire sur ses lèvres bleuies par la fièvre.
-Repose en paix, souffla Pyair.
Je ne gardai comme souvenir de ce qui suivit des mains écorchées et un couteau émoussé à force d'avoir creuser la terre rocailleuse de la plaine.
Quant aux jours qui suivirent, ils ne sont pour moi qu'un mélange affreux de chagrin incommensurable, de peur qui refusait de nous quitter, de manque de sommeil, de faim et d'un rationnement perpétuel.
Pas un seul de nous n'avait osé pleurer devant les autres, craignant leur regard.
Nous avions marché, des jours entiers, n'osant pas dormir plus de quelques heures par nuit. Il m'arrivait de me réveiller en hurlant, à la sortie d'un cauchemar dont je ne gardais aucun souvenir, si ce n'est qu'une profonde terreur, présente jusque dans mon sommeil.
Je sais que j'avais longuement songé à tout type de sujet, mais une seule pensée reste dans ma mémoire : celle qu'une fois, le chef, en nous parlant de l'Avant-Guerre, avait mentionné une fête de fin d'octobre où les gens se déguisaient en monstres pour se faire peur. La première fois, j'en avais ri.
Désormais, je crois que je préfèrerai ça.
Je comptais méthodiquement les jours, et lorsque vint le 30 octobre, le sixième jour tant attendu, nous guettâmes fébrilement l'horizon.
Tandis que la nuit tombait et que nous commencions à désespérer, une poignée de maisons apparu au travers du brouillard.
Mon cœur loupa un battement et je levai les bras au ciel, les yeux baignés de larmes. En périphérie de mon champ de vision, je vis Bihl se jeter à genoux et sangloter ouvertement, tandis que Pyair, plus mesuré, murmurait des remerciements à je ne sais quelle entité et regardait ce village avec des étoiles dans les yeux.
Nous avions réussi.
Exténués, nous nous arrêtâmes pour dormir, remettant à contrecœur au lendemain la rencontre avec les habitants de ce village.
Je crois que pour la première fois depuis notre départ, tout le monde parvint à dormir paisiblement, si bien qu'à notre réveil, le soleil était déjà au plus haut de sa course.
Après avoir rapidement avalé une gorgée d'eau et un peu de nourriture, nous nous mîmes en route vers le but de notre expédition, qui n'était plus qu'à une dizaine de minutes de marche.
L'entrée du village était marqué par une ouverture dans la palissade qui l'entourait, en lieu et place d'une porte. Je la franchis, mes deux compagnons sur les talons, avec un silence respectueux, et une pensée à nos morts.
À ma grande surprise, tous les bâtiments de ce village étaient en bois, relativement solide. Nous déambulâmes quelques temps entre les cabanes, puis je pris conscience que quelque chose clochait : nous n'avions vu personne, et aucun villageois n'était venu à notre rencontre.
Soudain, le village me parut sombre, et les maisons qui nous entouraient, menaçantes.
Je fis part de ma pensée à Bihl et Pyair, mais ils paraissaient confiants.
-Ils se sont sûrement cachés, fit Bihl. Réfléchis : tu n'as vu personne depuis trente ans, et subitement, trois humains entre dans ton village. Tu ne sais rien de ce qu'ils veulent. Tu leur sauterais dessus en les couvrant de cadeaux, toi ?
-C'est sûr, renchérit Pyair. Ils sont cachés, et ne sortiront que lorsqu'ils seront certains de nos intentions.
Un bruit se fit entendre. Un craquement de bois, pour être exact.
Je les reconnus une fraction de seconde avant le cri de Pyair.
-Des Hurleurs !
Ils jaillissaient des toits, d'entre les maisons, de là où auraient pu sortir de simples villageois.
Ces énormes homme-loup au pelage brun terreux nous sautèrent dessus, babines retroussées, dévoilant deux énormes canines. Ils devaient être une quinzaine. Plus peut-être.
-Courrez ! nous hurla Pyair.
Ce que nous fîmes, à en perdre haleine. Malgré tout, la maigre avance que nous avions pu prendre en nous enfuyant immédiatement, à leur grande surprise, ne cessait de se rétrécir.
Pyair s'arrêta net et fit face aux monstres.
-Non !
J'eus beau m'époumoner, rien n'y fit, il ne bougea pas.
C'est ainsi que Pyair mourut, pour notre salut.
Je claquai la porte du cabanon derrière moi, et aidai Bihl à placer deux énormes madriers en travers pour la bloquer solidement.
Avec nos dernières allumettes et du bois qui trainait, j'allumai un feu, car la maison ne comportait aucune ouverture pour laisser filtrer la lumière.
Je me tournai vers mon ami, et m'aperçus qu'il s'était fait griffer au bras. Il m'assura tout d'abord que ce n'était rien, mais céda devant mon insistance, et me laissa le panser.
Au fil du temps, notre terreur augmenta. On entendait le bruit des Hurleurs qui furetaient à la recherche de notre odeur, ponctué de brefs hurlements.
Je finis malgré tout par fermer les yeux et somnoler quelques heures.
Quand je les rouvrit, Bihl était debout, au-dessus de moi, et me regardai avec un drôle de sourire.
Une légende prétend que quiconque est blessé par un Hurleur, pour un peu que ce dernier ne le dévore pas, se transforme à son tour en Hurleur.
Désormais, je sais que c'est vrai.
Je suis terré dans un coin de la pièce, les mains tremblantes et l'air ahuri. Je fixe le cadavre de mon ami, mon propre couteau planté dans son cœur.
Son visage. Je ne dois pas oublier son visage.
Je les entends. Ils sont tout autour de la maison. Désormais, ils grognent et grattent contre la porte.
Je songe à Pyair. Est-il parmi eux ?
Peut-être qu'ils sont tous les habitants de ce village.
Douce ironie... se faire piéger dans le village qui devait nous sauver, et mourir entre les griffes de ces villageois dont on espérait de l'aide.
Maintenant, ils cognent contre la porte.
Elle ne tiendra plus longtemps, et moi, je suis toujours dans mon coin, à fixer le visage de mon ami, pour en garder une trace au delà même de la vie.
J'ai peur du noir, Bihl ! J'ai besoin de toi !
Oh Bihl ! J'aurais dû te laisser me tuer ! Peut-être aurions nous été ensemble ?
Je ne veux pas mourir maintenant, Bihl ! Pas sans voir le prochain mois !
La porte explose...FIN
L'ombre du Corbeau
(écrite après avoir écouté "Monsieur est un assassin" de Thomas Fersen)
(écrite après avoir écouté "Monsieur est un assassin" de Thomas Fersen)
- Spoiler:
- L'ombre du Corbeau
Sa petite valise de cuir à la main, Clément faisait les cent pas sur le perron, visiblement hésitant et inquiet.
Alors que sa ronde le menait une fois de plus devant l'imposant porte d'ébène, il s'arrêta, lui fit face et se prépara à toquer.
La porte s'ouvrit brusquement, et, emporté par son élan, manqua de percuter l'homme qui lui avait ouvert.
Ce dernier s'écarta vivement, et l'empêcha de tomber en lui saisissant l'épaule.
-Et bien... il me semble que votre service débute fort mal, jeune homme.
Clément, les joues rouges de honte, leva craintivement les yeux vers l'homme, pour s'apercevoir avec soulagement qu'il souriait, ses yeux verts pétillants.
L'adolescent s'inclina maladroitement, puis reporta son regard sur le comte.
Malgré ce à quoi il s'attendait, l'homme était jeune. On ne lui aurait pas donné plus de vingt-cinq ans.
Il en avait en réalité vingt-quatre et vivait seul dans cette immense maison depuis que sa soeur avait été emporté par la maladie, sept ans auparavant, et ses parents deux ans avant elle.
Mais pour l'heure, Clément n'en voyait qu'un grand jeune homme, de longs cheveux châtains encadrant un visage fin, un peu malicieux, ainsi qu'un corps souple et des réflexes aiguisés.
De cet ensemble, comme de la maison, se dégageait une impression de mystère que, malgré ses sourires resplendissant, le comte ne parvenait pas à dissiper.***
-Tu logeras ici, Clément, fit le comte de la Hure en s'écartant pour laisser l'adolescent entrer.
Il s'était présenté de manière inhabituelle, et ses mots étaient restés gravés dans la mémoire de son nouveau serviteur :
-Éric de la Hure, si ce nom veut encore dire quelque chose. Gentilhomme, et comte à mes heures perdues.
Il avait éclaté de rire devant l'air stupéfait du jeune homme.
-Je plaisantais. Mais évite de m'appeler « monsieur le comte », d'accord ? « Monsieur » sera amplement suffisant.
Puis il avait ajouté, un énigmatique sourire barrant son visage :
-Les seuls titres qui valent la peine d'être portés sont ceux que l'on acquiert par ses actes et non pas par sa naissance.
Clément en était resté bouche bée.
Tout comme il l'était désormais devant sa futur chambre.
La pièce était assez large, profonde, et les murs de bois vernis éparpillaient la lumière du soleil, illuminant la pièce de couleurs chaudes. Un épais tapis rouge couvrait le plancher et absorbait les bruits de pas. Le mobilier, toujours dans le même bois acajou, ne faisait que renforcer l'émerveillement de l'adolescent.
Le comte désigna une porte, dans le fond de la pièce.
-C'est ta salle de bain... Ça ira ? Cette pièce est une ancienne chambre d'ami, elle n'a pas été habitée depuis longtemps, donc tu devras sans doute l'aérer.
Clément était aux anges. Il avait craint un patron détestable et un local exigu, et voilà qu'il avait une suite royale et un jeune comte sympathique.
-Bon... puisque tu as l'air satisfait, je vais te faire visiter la maison et t'expliquer quelques règles...
Le garçon se posa lourdement sur une chaise, les jambes en feu suite à sa visite de la demeure.
Il reprit sa respiration, puis prêta une oreille attentive aux instructions du comte de la Hure.
-Tu n'auras qu'à t'occuper de la maison, c'est-à-dire préparer les repas et faire le ménage. Un jardinier vient une fois par semaine, tous les vendredis, pour s'occuper du jardin, et je taille moi-même le rosier. Tu remarqueras que certaines pièces sont closes. Ce sont d'anciennes chambres ou des pièces vides pour la plupart. Inutile de t'en occuper. Pour les repas, je te laisse faire. Si tu manques de quelque chose, il y a un marché trois fois par semaine. Si tu souhaites t'y rendre, inutile de me prévenir, contente-toi d'être rentré à temps pour préparer le déjeuner. Par contre, tu ne peux y aller à pied... À neuf heures, un fermier
passe sur le chemin. Dit-lui que tu travailles pour moi, et il t'y emmènera sans poser de questions. Tu le reconnaîtras facilement, il jure tout le temps...
Le comte s'autorisa un sourire, puis poursuivit :
-Tu me pardonneras, mais je tiens énormément à ce que les repas soient servis à l'heure : un café ou un thé, selon ton humeur, à neuf heures dans mon bureau. Le midi, à une heure, et le soir, à sept heures sonnantes... Prépare toujours le repas pour nous deux, même si je préfère manger seul.
Il glissa une longue mèche de cheveux derrière son oreille.
-En plus de ces consignes, il y a trois règles que tu dois respecter : premièrement, lorsque tu feras le ménage dans mon bureau, tu te contenteras de passer le balai, et tu ne devras jamais toucher à mes affaires. Deuxièmement, lorsque tu auras fini ce que tu as à faire, considère que tu peux faire ce que tu veux, dans la limite des règles que je t'ai énoncé, et à condition que tu restes dans les limites du domaine. Pour finir, je serai absent toutes les nuits. Sache que je n'ai aucun compte à rendre là dessus... Tu as tout compris ?
Clément hocha la tête.
L'adolescent se leva tôt le matin, impatient d'étrenner ses habits de fonction. Il lissa son veston avec une satisfaction non-feinte et regarda longuement le garçon blond au visage constellé de taches de rousseur qui lui faisait face dans le miroir.
Il s'arracha à la contemplation de son reflet et se dirigea hâtivement vers la cuisine pour préparer un thé. Ayant une heure devant lui, il prit son temps pour choisir le thé, bien faire bouillir l'eau, et sélectionner avec soin la tasse et la théière.
Lorsque le thé fut prêt, il se saisit bravement de la théière et de la soucoupe sur laquelle la tasse était posée, et sortit de la cuisine.
Arrivé devant la porte du bureau, il réajusta l'agencement du sucrier sur le plateau puis frappa timidement à la porte.
Une voix souriante lui répondit :
-Entre !
Clément s'avança à petits pas dans le bureau, intimidé par la présence assise en face de lui, et posa enfin le thé sur le meuble de travail, à côté d'une pochette noire portant la mention « Contrats ».
Choisissant ce moment pour bondir, une forme noire et coassante jaillit de l'armoire sur laquelle elle s'était perchée pour aller se poser sur l'épaule du comte de la Hure, frôlant le serviteur au passage et le faisant tressaillir.
Éric de la Hure caressa distraitement le gros corbeau perché sur son épaule.
-Clément, je te présente Augure.
L'adolescent, encore sous le choc, tint à se rassurer :
-Il est... apprivoisé ?
Le comte lui adressa l'un de ses sourires mystérieux.
-Bien sûr que non ! Mais disons, si cela peut te rassurer, que tant que je lui fournis ce qu'il souhaite, il reste avec moi et n'est absolument pas dangereux.
Comme pour prouver ses dires, il fit un petit mouvement d'épaule, comme pour donner une poussée à l'oiseau. Ce dernier déploya ses ailes et vint se percher sur le sommet du crâne de son « maître ».
-De plus, il reste dehors ou dans ce bureau, et ne te causera aucun soucis. Sans compter qu'il n'est plus là le soir.***
Le quotidien dans la grande demeure se révéla agréable pour plusieurs raisons : tout d'abord, la bâtisse était tellement grande, que, dans un premier temps, Clément songea à semer des cailloux pour s'y retrouver. Ensuite, le jardin, où il aimait aller dès qu'il avait fini, était un régal pour la vue, en partie grâce à l'immense rosier aux fleurs rouges sang, près duquel le mystérieux comte passait le plus clair de son temps.
Et pour finir, le comte, bien qu'étant son patron, était charmant avec lui, tant et si bien que ses absences commençaient à peser à son serviteur.
Malgré l'interdiction du comte, et en dépit de sa prudence naturelle, Clément prit la décision de suivre le comte, ne serait-ce que pour tromper l'ennui des longues soirées où il se retrouvait seul.
Ce soir là, comme à son habitude, il regarda la silhouette à la canne et au haut-de-forme s'éloigner et franchir la grille qui entourait le domaine. L'adolescent prit note du chemin qu'emprunta le comte, puis, malgré ce que lui dictait sa raison, enfila rapidement un pardessus et enfonça un chapeau sur ses oreilles,
se rappelant la neige qui tapissait la verte pelouse du parc.
Il prit le soin de refermer la porte derrière lui, et se précipita sur les pas du comte de la Hure. Ces derniers s'imprimaient sur la fine pellicule de neige qui s'était déposée, et ce fut pour Clément un jeu d'enfant que de les suivre.
Les traces le menèrent finalement dans la petite ville où le domestique avait l'habitude de faire les courses, et disparurent dans la boue qu'était devenue la neige, fondant sous les innombrables pas des habitants.
Clément marcha longtemps au hasard, et lorsque l'église sonna douze coups, dut s'avouer perdu. Il cherchait une éventuelle personne capable de le guider convenablement vers la sortie de la ville, lorsqu'il perçut un bruit provenant d'une impasse. Il s'y engouffra, songeant qu'un cul-de-sac n'était guère pire qu'un
bar quand il s'agissait de demander un renseignement, au milieu de la neige tombante.
Il ne mesurait pas l'étendue de son erreur.
Clément ne put voir qu'un homme s'effondrer à terre, et un autre rengainer prestement une canne épée.
Il plaqua une main sur sa bouche, ébahi et terrorisé, songeant à s'enfuir sans bruit.
Il l'aurait sûrement d'ailleurs fait si l'homme n'avait pas lancé un bref sifflement, invitant un gros oiseau à venir festoyer.
Alors que l'homme faisait demi-tour, Clément put distinguer la silhouette de l'assassin, et éprouva un soudain doute. Ce doute fut confirmé lorsque la lumière d'un réverbère éclaira faiblement le visage du tueur.
Il laissait sans doute échapper un cri de surprise, car le meurtrier s'approcha de lui, méfiant.
Éric de la Hure fit face à son domestique, un air légèrement triste sur le visage.
-Clément ? Quel dommage de m'avoir désobéi... Tu faisais si bien les thés...
L'adolescent se souvint alors que les corbeaux étaient des charognards.
La canne-épée glissa hors de son logement.
-Tu étais sans nul doute, parmi les quatre-vingt-sept domestiques que j'ai eu cette année, le meilleur.
Il soupira et secoua la tête.
-Tout aurait pu être si simple, mon garçon...
Puis tout devint noir.
Sauf la chemise du comte, qui resta d'une blancheur immaculée.***
Le jeune homme s'avança, et, sans hésiter, frappa à la lourde porte de bois noir.
Il entendit un bruit de pas dans son dos, et fit volte-face pour se trouver nez-à-nez avec un grand homme.
Le comte lui sourit, et repoussa une mèche de cheveux derrière son oreille. Il leva une paire de sécateurs à la hauteur de ses beaux yeux verts, comme pour s'excuser, et désigna de la pointe un superbe rosier aux fleurs écarlates.
Sous sa veste, on pouvoir entrevoir une chemise d'un blanc éclatant.FIN
[/size]
Nuit d'Argent
(je critique à ma façon notre monde, mais je reste avant tout quelqu'un qui écrit, pas quelqu'un qui critique)
(je critique à ma façon notre monde, mais je reste avant tout quelqu'un qui écrit, pas quelqu'un qui critique)
- Spoiler:
- Nuit d'Argent[face=ArialMT]br]On avait omis de lui parler d'un enfant, et il détestait ce genre de mauvaise surprise.
La lame refléta un court instant une lumière venue d'on ne sait où.
Avant de plonger dans le petit corps, faisant jaillir un liquide poisseux.
Le tueur se baissa et traça à la hâte un cercle pointé sur le front du mort.
-Repose en paix, si cela t'est possible, chuchota le meurtrier.
Une marche après l'autre, l'homme montait les escaliers.
Sur la pointe des pieds, retenant sa respiration, il s'efforçait de ne pas faire le moindre bruit.
Encore un petit effort, et il aurait fini.
Des siècles de traque allaient bientôt prendre fin... s'il réussissait à abattre cette ultime barrière.
Des siècles passés à poursuivre les Mots, que les Gardiens défendaient chèrement, au mépris de leur propre existence.
Encore un couloir, et une infime lumière au bout.
Il devait aller là.
Le dernier Gardien auquel il avait eu affaire s'était consumé, et la formule avec. Il lui avait fallu un quart de siècle pour reconstituer le misérable parchemin.
Tuer le premier avait été d'une facilité déconcertante. Il ne s'était pas défendu, et avait donné le premier Mot en croyant qu'il survivrait.
Les suivants, de plus en plus méfiants et prudents, lui avaient coûté plus où moins cher. Il avait même failli perdre l'intégralité de la formule, tant et si bien qu'il se tatouait désormais les Mots pour ne pas prendre le risque de les perdre.
Il poussa la porte d'où provenait la lumière, et se jeta au sol tandis qu'un rai de lumière bleuté fusait au-dessus de son crâne.
L'assassin se releva, et se jeta sur le côté, tandis qu'un autre rayon bleu le frôlait.
Il put alors voir que le Gardien était une femme.
Malgré tout, il resta sur ses gardes. Elle l'avait attaqué deux fois de suite, anticipant ses mouvement, et visant sa tête.
Avec l'une des rares formes de magie qu'il craignait. Et il avait été obligé de lâcher son arme.
L'attaque suivante le prit au dépourvu, et le transperça juste au-dessus de la hanche.
Il entendit le bruit déplaisant des chairs qui brûlent, et battit précipitamment en retraite dans l'escalier.
Il arracha sa chemise en se retenant de hurler de douleur, et observa sa blessure.
La peau était carbonisée, et, par de rares endroits, on pouvait entrevoir la chair mise à vif.
Il savait qu'au plus profond de son organisme, la lumière froide se répandait déjà, distillant son poison dans le corps de sa victime.
Par conséquent, il ne lui restait que peu de temps pour agir, avant qu'il ne brûle entièrement.
L'homme serra les dents et tira un couteau finement ouvragé de sa botte.
Déjà, la femme arrivait, les cheveux dressés autour de sa tête, enveloppée d'un halo de lumière bleue.
Il visa une veine qui palpitait sur son bras, et y planta sa lame. Lorsque le sang jaillit, il s'empressa d'en recueillir dans sa bouche, puis d'y tremper ses doigts.
Il traça une spirale sur son avant-bras, et la blessure cessa de saigner.
Lorsque le sort du Gardien se projeta sur lui, immense disque luminescent, il cracha.
Un mur noirâtre à l'aspect visqueux se matérialisa devant lui.
Le tueur s'empressa de dessiner un sablier dans un losange sur sa poitrine.
La barrière se déversa sur le parquet, si fondant peu à peu.
Mais l'homme n'était plus là.
Un liquide noir goutta lentement du plafond, derrière la femme.
Sans un bruit, un être se reconstituait.
Le Gardien se retourna, juste à temps pour contempler sa propre fin.
Une lame noire s'était matérialisée dans sa poitrine.
Non, pas un lame.
L'homme arracha son bras de la cage thoracique avec un plaisir non feint, puis traça quelques signes (un cercle traversé d'un trait et un sablier) sur les paupières de la femme.
Les yeux se rouvrirent et la langue se délia.
-[i]Aargalent.
Le tueur acheva la figure qu'il traçait sur le sol, puis se plaça debout en face d'elle.
Il jeta un bref coup d'oeil sur les signes qui courraient sur son bras droit.
-Arkäan röln firmal ess necir argaïl asf orgon carn arakn dilmir orön Aargalent.
Une forme luisante se matérialisa au centre du dessin.
Dans un éclat métallique, l'entité prit la parole.
-Merci être. Je te rends la vie que je t'ai prise. Va et meurs.
L'homme maintenu trop longtemps sur cette terre se réduisit en poussière, puis disparut, l'âme en paix, avec la certitude d'avoir fait ce qu'il devait faire.
Il avait joué le rôle qu'il attendait.
Et cette forme argentée qui semblait rire, d'un rire froid, et qui emplissait la pièce, cet être, quittait à
jamais ce monde.
La Créature s'appelait Argen, et cherchait une autre terre, mais cela ne concernait déjà plus ce
monde.
Mais un autre.
Peu éloigné.
Où les créatures le peuplant ne résisteront pas.
Trop faibles.
Un monde parfait.
Une planète bleue.
Et la forme se rétractait, se contractait, se réduisait à un minuscule point argenté.
Qui fusait vers un seul objectif.
Le temps ne s'écoulait pas de la même façon pour lui.
Peu importe quand il arriva.
Peut-être est-il déjà arrivé il y a plusieurs millions d'années, cette comète apportant la fin d'une
espèce, et le début d'une ère ?
L'entité avait déjà choisi sa forme.
Ni crocs, ni griffes.
Une simple rondelle de métal, bien posée en évidence sur le sol, brillant un étrange éclat argenté.
Et ce reflet devient tout, emplit l'oeil, jusqu'à être partout.
Indissociable.FIN
Un jour (presque) comme les autres
(parce qu'il fallait bien que je me lâche sur le thème amour ange/démon, et désolé pour toutes les erreurs que je déblate à leur sujet)
(parce qu'il fallait bien que je me lâche sur le thème amour ange/démon, et désolé pour toutes les erreurs que je déblate à leur sujet)
- Spoiler:
- Un jour (presque) comme les autres
Marc sentait les gouttes de sueur glisser le long de colonne vertébrale, malgré la clim qui tournait à fond.
Il battit des paupières et, involontairement, commença à tapoter son volant.
Il faisait toujours ça lorsqu'il était stressé, et malgré tous les efforts qu'il avait déployé, il ne parvenait pas à s'en empêcher.
Et comme à l'accoutumé, son propre geste l'agaça.
Son psychiatre avait beau lui avoir expliqué qu'il n'y avait pas de quoi s'énerver, que son corps réagissait ainsi au stress, il ne s'en fâchait pas moins.
Contre lui-même, ce qui n'avait aucun intérêt.
Il jeta un bref coup d'oeil par la vitre.
Le bitume poissait sous le soleil de plomb, et pas un seul oiseau ne volait dans le ciel.
L'homme soupira lorsque ses doigts reprirent de plus belle leur danse sur le revêtement plastique du volant.
Il entendait nettement le tambourinement de son coeur, écho au tapotement agaçant que produisait sa main.
Certaines personnes perdaient leur temps en voiture cause des embouteillages.
Marc le perdait à cause de ses amis.
Il s'en plaignait régulièrement auprès d'eux, mais ils lui étaient indispensables, et lui avaient sauvé la mise de multiples fois.
Marc ne pouvait se passer d'eux.
Il baissa la vitre d'une chiquenaude sur le bouton, et ferma les yeux en entendant le bruit, à la frontière entre chuintement et souffle de vent, de la fenêtre qui s'ouvrait.
Encore l'un de ses calmant. Le tambourinement repris de plus belle.
Et fut obligé de cesser lorsqu'il se roula une cigarette.
Il en tapota le bout, qui s'embrasa, et tira une bouffée.
Ce n'était pas qu'il aimait bien fumer, mais ses poumons ne risquaient rien, et il était convaincu que ça lui donnait un côté classe.
Marc s'appelait en réalité Marchanaroth Im'Beliel, mais trouvait que « Marc » sonnait mieux. Il fallait admettre que ce n'était pas ses parents qui avaient choisi son patronyme.
Une jeune femme, qui passait dans la rue, lui sourit.
Il lui rendit son sourire et se permit de lui proposer une cigarette.
-Je ne fume pas, désolé, refusa-t-elle poliment.
-Puis-je vous offrir un verre, en ce cas ? Si vous avez du temps à perdre avec un parfait inconnu, bien sûr...
Cette fois, elle ne dit pas non.
Il fallait reconnaître que Marc était séduisant. Il ne faisait pas preuve d'une intelligence remarquable, ni d'une beauté époustouflante, mais il plaisait aux femmes.
Peut-être juste parce qu'il avait un beau sourire.
Sous le regard amusé de la jeune femme, il serra le mégot dans son poing, puis le rouvrit.
Sa main n'était pas brûlée, et la cigarette avait disparu.
-Vous êtes magicien ?
-Pour vous, je serai ce que vous voulez, mademoiselle. Et si mes petits tours vous intéressent, sachez que je crache aussi du feu.
-Vraiment ?
Il aimait lire l'admiration dans le regard des humains.
De tous, mais particulièrement de cette femme.
-Oui, mais peu importe, je devais vous offrir un verre...
Oh, et Marc n'était pas à proprement parler un homme.
En trois minutes, Marc appris qu'elle avait vingt-neuf ans, répondait au beau prénom de Maël, était célibataire, ne buvait pas plus d'alcool qu'elle ne fumait, et qu'elle cherchait quelqu'un dont elle refusait d'en dire plus.
Quand à elle, elle sut qu'il se nommait Marc et tenait très – trop – bien la boisson.
Maël contemplait d'un air songeur les deux bouteilles de whisky qui s'alignaient déjà sur la table.
En fait, Marc n'était pas humain du tout.
Il s'était appuyé au mur, et dévorait la femme du regard, subjugué par ses étranges yeux gris.
Il n'y avait pas à dire, il aimait les femmes blondes.
Faux.
Il aimait celle-ci. Trois minutes lui avaient suffit pour s'en assurer (et vider deux bouteilles).
Le verre se termina – ou plutôt se poursuivit – par un long baiser passionné.
Jamais il ne s'était senti aussi heureux.
En même temps, vu son quotidien, ce n'était pas bien difficile.
Sa main se glissa autour de la taille de Maël.
Son moment de bonheur fut brusquement interrompu par l'arrivé d'un de ses amis.
-Marc ! On a un problème !
L'homme se retourna vers l'adolescent roux qui lui faisait face, l'air affolé.
-Ils nous ont trouvés, Marc ! Orwen avait mal masqué son aur... S'était mal camouflé, rectifia-t-il en voyant la femme.
Marc refit face à Maël.
Pourquoi fallait-il que ça arrive maintenant ?
-Navré Maël... je dois y aller.
Elle aussi maudit ce malheureux concours de circonstances.
Elle aurait pu faire semblant de ne rien avoir vu, sans leur arrivée.
-Non.
-Non ?
Il sentit le froid du métal sur son ventre au même moment que les lèvres de la femme.
-Non, répéta-t-elle plus doucement. Je ne peux vous laisser partir.
-Que... ?
-J'avais prévu de faire comme si de rien n'était, mais s'ils viennent en personne... Qui êtes-vous précisément ?
-Le seul démon à avoir commis l'erreur d'aimer un ange, apparemment... Marchanaroth Im'Beliel.
Il éprouvait, même dans une telle situation, un certain plaisir à être capable d'étonner les gens.
-Le renégat ?
-Traqué par les Enfers comme le Paradis... enchanté.
-Je devrais vous tuer, vous savez ?
-Je sais.
Le démon lança un dernier ordre à son ami.
-Partez tout de suite. Vous avez peut-être une chance de vous en sortir. Et ne vous rendez pas ridicules en tentant de me secourir.
-Mais...
-Cours !
L'ange leva la main.
Dies irae.
Une lame de lumière se matérialisa à quelques mètres du rouquin... et disparut, happée par une langue de flammes.
-Ne me faites pas cette affront. Vous savez très bien qu'ils ne sont rien pour Lui. Et ôtez cette lame de mon ventre, j'y suis insensible.
-Comment... ?
-Je ne suis plus, si je l'ai un jour été, un démon. Les armes bénites n'ont aucun effet sur moi.
-Qui êtes-vous, alors ?
-Un grain de sable dans Sa machine parfaitement huilée... Tuez-moi.
-C'est-à-dire ?
-Je ne devrai pas vivre. Pour que tout fonctionne pour Lui, il ne doit exister que le Bien et le Mal. Rien de plus. Tuez moi.
-Pourquoi devrais-je ?
-Vous l'avez dit vous-même. Et puis, aussi surprenant que cela puisse paraître, je préfère que ce soit vous qui me tuiez plutôt qu'eux.
L'ange ferma les yeux pour cacher ses larmes, et sentit une main effleurer sa joue.
-Tuez moi. S'il vous plaît.
Puis il l'embrassa.
Et ce fut l'explosion.
« Une explosion de gaz dans un bar cause la mort de dix-huit personnes, et deux passants sont gravement blessés.
La police cherche toujours la cause de l'explosion, mais le commissaire semble confiant et assure que ce n'est pas un geste criminel.
Plus de nouv... » La radio s'éteignit.
Elle soupira.
La paix coûtait de plus en plus chère, Là-Haut.
Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'espérer.
N'avait-elle pas entendu... ?
Une forme vaguement humaine marche péniblement sur la route, sous une lune blafarde.
Vaguement humaine en raison de la paire d'ailes noires dans son dos.
Sa magie est au plus bas, et il souffre.
Mais une force le pousse en avant.
Non, il ne pouvait avoir dit cela.
Et pourtant, elle restait convaincu d'avoir entendu...
-Je reviendrai...
Il reviendra.
Et toutes les légions, démoniaques ou divines, n'y pourront rien.FIN
Tapie
(la Bête qui sommeille en nous... un grand classique, mais pourquoi pas ?)
(la Bête qui sommeille en nous... un grand classique, mais pourquoi pas ?)
- Spoiler:
- Tapie
-Nous revenons dans deux heures, Tobby. Reste sage et ne t'approche pas du feu, d'accord ?
Le petit garçon acquiesça, et regarda de ses grands yeux verts ses parents sortir.
Il attendit que la porte se refermât, agitant sa main pour dire au revoir, puis courut jusqu'à sa chambre.
L'enfant joua sagement avec ses figurines, défit avec application un ou deux puzzles, et pour faire bonne mesure, gribouilla sur l'inutile livre d'exercices que sa mère lui achetait chaque année.
C'est alors que la Bête lui parla.
Vas voir le feu, lui dit-elle. Juste le regarder un petit instant. Rien qu'un petit...
Mais Tobby ne voulut pas. Les deux dernières fois qu'il lui avait obéi, il s'était fait punir.
Tobby était un petit garçon très sage... sauf quand la Bête lui soufflait ses merveilleuses idées.
Le psychiatre avait parlé d'un ami imaginaire aux parents du garçon, pour les rassurer, et se rassurer.
Mais la Bête n'était pas un ami imaginaire.
Elle était bien là, tapie dans un recoin de l'esprit de son hôte, et lui donnait des ordres.
Du moins d'habitude.
Au début, les idées avaient été excellentes. Un gâteau, un bonbon, ses parents ne s'étaient aperçus de rien.
Puis la Bête avait voulu autre chose.
Tobby n'était pas un petit enfant violent jusqu'à l'avant-dernière idée de la Bête.
Pourtant, il avait aimé frapper, mordre, le méchant garçon. Julien se moquait de lui, dans son dos, et Tobby ne le savait pas. Heureusement, la Bête entendait tout, et le lui avait dit. Elle lui avait ordonnée de se venger, de frapper son « camarade ».
Et Tobby l'avait fait.
Il avait martelé de ses petits poings le visage de l'autre, il lui avait donné des coups de pieds et de genoux, il lui avait craché sa haine au visage, cette haine qui n'était même pas vraiment la sienne, mais celle de la Bête. Il avait fallu deux adultes pour l'arrêter, lui, ce petit garçon frêle et d'ordinaire si doux.
Ses parents avaient été convoqués, et il s'était fait sévèrement punir.
Mais pas à un seul moment quiconque n'avait repéré l'étrange lueur rougeâtre qu'était devenu le
regard de Tobby quand il obéissait à la Bête.
Allez, Tobby. Tes parents ne verront rien, ne sauront rien, susurra-t-elle.
Mais Tobby ne voulait pas.
-Non,murmura-t-il. Tais-toi.
La voix reprit, plus mielleuse et emplie de promesses que jamais.
Allez. Juste une fois, Tobby. Ce sera merveilleux, je te le promets.
L'enfant appliqua la paume de ses mains sur ses oreilles, mais la voix poursuivit.
Ce sera amusant, Tobby. Et je te donnerai une surprise, promit-elle.
-Non ! cria le garçon. Tais-toi ! Je ne t'aime pas ! Va-t-en !
La voix se fit tempête.
Crois-tu que je t'aime ? Obéis-moi, et je partirai ! Tu n'entendras plus jamais parler de moi !
Tobby se mit à courir dans tous les sens, mais il entendait encore la voix.
-Non, protesta-t-il faiblement. Non, non. Pars tout de suite.
Il s'assit et commença à sangloter.
Depuis que la Bête était là, pas une nuit ne s'écoulait sans que Tobby ne fît un cauchemar.
Ses pleurs furent sans effets sur la Bête. Pour toute réponse, elle lui lacéra l'esprit de ses crocs et ses griffes.
Méchant Tobby ! Je te dis que ce sera la dernière !
-Non, non, non, non, non !
Il se roula de douleur sur le sol. La Bête se montrait sans pitié.
Elle en avait assez des cajoleries, et révélait enfin sa vraie nature.
Obéis !
-Non, non, non !
Une nouvelle vague de douleur fit se recroqueviller l'enfant. Il hurla, mais la Bête poursuivit, telle une impitoyable foreuse en action.
Vas-y. Vas près du feu.
-Non, sanglotait le garçon. Va-t-en !
Mais la Bête ne partait pas, et continuait à lui parler.
Alors, toujours en pleurant, il se frappa la tête contre le sol.
Bam !
Il releva la tête et...
Bam !
La voix de la Bête diminua d'intensité.
Bam !
Devint murmure.
Bam !
Écho de voix.
Bam !
Souffle de vent.
Bam ! Bam ! Bam !
Plus rien.
Tobby s'allongea sur le dos, bras et jambes écartés.
Et pleura d'être enfin libre.
Il ferma les yeux et sourit au milieu de ses larmes, insensible au filet de sang qui coulait du haut de son crâne.
Il avait gagné.
Le petit garçon rouvrit les yeux, et descendit calmement dans le salon.
Il s'assit en tailleur en face du feu qui avait tout causé, d'une certaine manière, et le contempla.
Puis il sourit.
Peut-être n'était-ce qu'un effet des flammes qui dansaient dans l'âtre, mais ses iris avaient désormais une étrange couleur.
Tobby se pencha vers le feu, subjugué.
Loin, loin, ou peut-être tout près, un homme ouvre les yeux.
Un geste anodin, s'ils n'étaient pas semblable à des bassins de sang.
Il sourit et se lève de son lit.
Peut-être qu'il tuera un homme inconnu à coups de couteau, sans savoir pourquoi.
Peut-être qu'il se rendra coupable d'un des plus grands incendies du siècle.
Peut-être sera-t-il élu par un peuple hypnotisé par ses paroles de haines.
Peut-être...
Car tant que l'homme sera lui-même, il n'aura aucune défense contre le mal.
Contre sa propre volonté.FIN
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum